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NOSTALGIE

les bars tels que je les ai connus


Ils disparaissent sournoisement sous les coups de boutoirs des modes, de la bouffe rapide et de la communication avec soi-même, du solo-travail et autre selfie sans parler de la pandémie qui risque d'être le coup de grâce pour beaucoup.

Je me rappelle André Camboulas, ce patron de bistrot extraordinaire, avec sa grosse moustache épaisse et souriante, habillé de son tablier bleu, un goût prononcé pour les arts et la sculpture. Il voulait relancer le bistrot parisien dans les années quatre-vingt après avoir occupé les soirées parisiennes avec son fameux Fitzcarraldo, bar unique en son genre qui a touché plusieurs générations. Régulièrement il faisait changer le décor par un artiste qui transformait tout l’espace. Parmi les bancs en bois du métro parisien d’origine, la musique diffusée faisait se rencontrer et danser les gens jusque dans la rue. Des Pogues aux Négresses vertes, en passant par les Rita Mitsouko, c'était l'époque de la new-wave et des groupes alternatifs : l’ambiance était là, les serveurs mémorables et joyeux nommés Mathias et Thierry, chantaient à tue-tête jusqu’à la fermeture, l’alcool aidant les embrassades n’en finissaient plus avant d’hypothétiques retrouvailles, car certains venaient de contrées lointaines pour repartir le lendemain.

Nous rencontrions des amours et des amitiés quelquefois profondes parfois fugaces dans ce lieu qui nous ravivait l’âme tant que nous supportions l’alcool qui coulait à flot, là où les verres abandonnés couraient sur les voitures, stationnées tout au long de la rue ; les langues se déliaient, on parlait philosophie et on pratiquait le bouche à bouche comme des adolescents.

Pour la fête du 14 juillet André était capable de se déguiser en homme préhistorique avec une peau de bête ainsi que les serveurs sous les flonflons de l’accordéon et les lampions suspendus au-dehors. Parfois les amendes pleuvaient pour le tapage et les nuisances, jusqu’au jour où il fallut abandonner la partie, André créa d’autres lieux moins sonores, mais toujours aussi conviviaux ; du Baratin à l’Art Brut, du Pick clopes au petit Marcel en passant par le Tambour. Au sortir du Fitzcarraldo, nous terminions nos soirées sans le sou. Alors à dix voir plus, nous entrions au Néo-Japonesque, la seule boîte de nuit que j’ai jamais osé fréquenter de ma vie. Nous dansions immédiatement sur les airs qui nous plaisaient, moi c’était New-Order à tous les coups, nous mettions l’ambiance en dansant à corps perdu, c’était un accord tacite avec le jeune patron à la queue de cheval, quand le public était mou. Lorsque nous prenions une bière pour dix devant une clientèle plus chic, on se faisait virer parfois, vu qu’on était déjà bien bourré et pas spécialement fortuné.

Plus tard je fréquentais sur le boulevard de Ménilmontant, le bar du Soleil tenu par deux frères, qui attirait les foules bigarrées et festives ; surtout l’été, lorsque les terrasses se remplissaient, le berger allemand courrait alors le soir comme un jeune chiot dans la rigole du trottoir. Régulièrement des concerts s’y produisaient. J’habitais alors la rue Dénoyez et fréquentais les Folies qui était aussi un endroit où s’improvisaient des danses improbables avec les femmes populaires du quartier telle la Zoubida ou Amélie. C’est à cette époque que je connu le terrain vague où tournait un ami près du Lou Pascalou avant que la cité ne fut construite. C’était déjà un lieu fréquenté par tous les joyeux drilles du quartier, la Mano Negra n’était pas loin de là. Il y avait l’Africain et son bar clandestin dans une cour cachée où le punch se remplissait à plus de la moitié du verre style duralex. Je n’oublie pas la belle et adorable Oumi ancienne mannequin qui tint différents lieux incroyables où les hommes étaient trop saouls pour se battre tellement ils étaient imbibés de rhum, les femmes qui travaillaient là les sortaient facilement et sans ménagement. Le public rassemblait une faune imbibée et électrique que j’aimais cotoyer.

C’est au Lou Pascalou que je rend hommage à tous ces bars au travers de cette exposition La poursuite que je savais nostalgique, tous ces lieux de vie remontent à ma mémoire et je ne peux pas les citer tous.


Texte de l'exposition sur le thème de la Nostalgie en hommage aux bistrots de Paris. Exposition enfermée 7 mois pendant la période de confinement au Lou Pascalou.

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